Robert Crumb est né à Philadelphie dans les années 40. Élevé dans une famille catholique et fils de militaire, il n'est qu'un garçon lambda introverti qui explore les tensions inhérentes liées à la découverte de la sexualité, son originalité se situant dans le fait de fixer de façon quasi mystique sur les filles bien charpentées (notamment au niveau de l'axe mollet-cuisses-fessier). Se sentant totalement dans l'incapacité de vaincre sa timidité maladive, Bob dessine sans relâche des culs, des seins, des cuisses et réalise ainsi tous ses fantasmes grâce à une brillante main droite (merci de souligner le double sens), tout cela bien sur, en culpabilisant totalement grâce à une morale judéo-chrétienne bien ingérée. Son passage au lycée est pour lui une terrible épreuve. Il déteste les footballeurs, les beaux parleurs et les beaux gosses. Robert se demande bien pourquoi les filles préfèrent ceux qu'il considère comme des connards alors que lui se voit comme un type cultivé, doux et sensible. Ses aventures les plus mémorables se passent en classe, lorsque des filles répondant merveilleusement à ses critères, se laissent aller à subir des attouchements (du pied principalement) d'une manière ou d'une autre, sans dire un mot ou presque. Il passe ainsi sa jeunesse sans n'avoir jamais embrassé aucune fille, mais en développant son talent pour le dessin, motivé par un procédé qu'il considère comme extrêmement malsain. Pendant la décennie suivante qui se trouve être celle de la libération sexuelle et de l'exploration chimique sous toutes ses formes, Robert découvre la marijuana, les extas, les hallucinogènes, les révélations mystiques et les bad trips, ce qu'il lui permet d'obtenir une certaine notoriété dans les milieux underground et hippie, décidant de mettre à profit son talent et ses trips pour réaliser des bandes dessinées sur cette thématique alors inexplorée. Son style est direct, cru et autobiographique. Il n'hésite pas à donner à ses personnages (Fritz the cat,Mr Natural,The Snoids) une part de lui même totalement assumée. C'est ainsi qu'il se livre aux pires atrocités sexuelles possibles avec les femmes, se moquant ouvertement de ces femmes qui décident de se libérer et d'affirmer leur sexualité. Avec la gloire et la consécration viennent les femmes et la possibilité pour lui d'assouvir ses fantasmes les plus obscènes, avec toujours ce retour sur lui même absolumment unique, entre l'auto dénigrement et le fait d'assumer totalement ces ambiguïtés.
Bob est un concentré de dinguerie assumé.
En dehors du fait que cet album est un régal d'humour grinçant, il est également fabuleusement original dans son propos car il va loin dans la réflexion de la place de l'individu inadapté (selon certains) dans sa société. Toutes ces petites pensées à diverses moments de sa vie et de la vie sont comme des petites perles de jubilation. J'ai une admiration hors normes pour cet homme: il affronte ses doutes quotidiennement, et ce malgré un certain age, ne se repose pas entièrement sur ces certitudes (malgré l'énorme vécu du personnage), il est franc, impartial et honnête dans sa malhonnêteté (Syndrome Joe Matt). Mes problèmes avec les femmes peut éventuellement servir de base de réflexion pour chacun d'entre nous ( hommes ou femmes) pour aller explorer par nous mêmes, dans nos méandres personnels, nos travers les plus étranges et tenter péniblement d'en expliquer le sens. C'est tellement jouissif de lire cet album que je le recommande fortement à tout le monde sans exception, rien que pour vous rendre compte à quel point vous êtes NORMAL...Pas de panique, ce que vous mettez dans un coin de votre petit cerveau que vous considérez comme détraqué, votre part d'ombre dont vous avez si honte, cela fait partie intégrante de vous, acceptez la, vivez avec...nous sommes des putains de mammifères..ou plutôt des poules, comme l'illustre si bien par ses propos, le fantastique Robert Crumb.
Respect absolu. Révérence. Rideau.
