Sabretooth
Victor Creed aka Sabretooth (Dents de sabre dans la langue de Michel Houellebecq) est un tueur à gages sanguinaire qui enchaîne dans un style brutal et excessif les contrats. Aidé logistiquement par son acolyte télépathe Birdy, pour le "purger" psychiquement quotidiennement et l’empêcher ainsi de sombrer dans la démence, comme une vigile qui soufflerai sur un lait sur le feu pour éviter qu'il ne déborde. Ce dernier est enlevé pour le contraindre d'agir dans l’intérêt d'un mystérieux individu, le Tribun, qui lui confie un contrat dont il ne peut refuser la réalisation sous peine de déclencher une bombe greffé subrepticement en lui. Sa cible se nomme Mystique, adversaire coutumier comme lui, des célèbres X-men.
Bye bye Birdy...
La violence est partout, de notre naissance où les découvertes brutales s’enchaînent les unes après les autres, la douleur, la solitude, l'angoisse... Jusqu'à la fin de notre vie, ou si tout va pour le mieux les gens autour de nous disparaissent comme des fantômes n'ayant jamais existés. Chaque jour peut se décomposer en autant d'actes d'une violence inouïe. Du réveil où une machine émettant un cri strident nous ordonne de changer d'activité et nous met en marche, des transports en commun où notre côté bestial semble pouvoir pleinement s'exprimer, aux relations sociales permanentes, clivantes et classantes qui composent notre journée, type (il suffit pour cela d'observer des enfants dans une cour de récréation pour s'en persuader). Ce concept est une résurgence de notre état naturel : nous sommes des animaux. Il est très difficile, voire impossible d'y échapper. Il me semble que ceux qui parviennent à étouffer cette pulsion en eux sont soit des surhommes (jurisprudence Gandhi) soit des psychopathes en puissance prêt à exploser avec l'impulsion de n'importe quel fait anodin (jurisprudence Ned Flanders). Le récit Sabretooth : Death Hunt laisse exploser cette pulsion comme un feu d'artifice grandiose, il n'est composé que de cette matière si particulière et latente contenue en chacun de nous. Victor Creed lâche totalement la bride et sa réponse à chaque problème de sa vie est unique : découper, briser, concasser, broyer, détruire, grogner, mordre, déchiqueter... Pour lui, la vie n'est même pas ni noire ni blanche, elle est noire, autant l'accepter pleinement et foutre en l'air tout ce qui est sur notre chemin.
Un costume au design mythique.
Si le récit présente un paquet de faiblesses, trop empreint de l'idéologie des années 90, faite de dialogues percutants et un peu kitch, d'illustrations spectaculaires, de flingues surdimensionnés et de rythme ultra rapide (et parfois même de course poursuite !), l’ensemble est tout de même bigrement attractif (j'ai envie de dire grisant). Mark Texeira est génialissime dans sa vision du personnage, tout y est parfait : le costume, la gueule de gros con de Victor Creed, les griffes rétractiles à l'aspect naturelle (en opposition de celles de Wolverine). Mystique et Logan en guest surprise font le job et Larry Hama au scénario, dont je n'ai pourtant jamais été un fan convaincu à 100%, s'éclate dans un récit au ton surprenamment léger mais constamment grinçant dans les dialogues, et où pour la première fois on s’intéresse au passé glauque de Dents de Sabre pour l'entremêler au présent. Pour ne rien gâcher, un élément scénaristique donne un ton unique à l'ensemble avec la première apparition d'un personnage lié à dents de sabre par la suite (mais je n'en dirai pas plus).
Dans les eaux troubles du passé commun des deux protagonistes.
Dire que cet album comics m'a mis une claque dans la gueule lors de sa première lecture est une gageure, ce fut une explosion atomique. Est-ce que je suis inquiet de m’être à ce point identifié à Dents de sabre dans mon adolescence ? bien sûr, mais cela m'a permis d’accepter cette bête en moi et de tenter de la maîtriser dans les moments clés de basculement. Est ce qu'on peut réellement aimer un personnage aussi dégueulasse que Victor Creed et ressentir de la sympathie pour lui ? Impossible, et pourtant c'est si jouissif que s'en est inquiétant.
Ce récit est fait pour vous si comme moi, vous rêvez éveillé de temps à autre dans votre lit en fixant votre plafond, et que vous imaginez venir sur votre lieu de travail, avec une énorme hache de bûcheron islandais posé négligemment sur votre épaule pour aller discuter avec votre service RH qui vous a refusé sans raison votre projet de formation.
Bande son conseillée : Nine Inch Nails / We're in this together / The fragile / 1999 ou un petit Pixies / The bone machine / Surfer rosa / 1988