Que de temps auront séparé l’annonce de ce titre de sa date de sortie. Initialement attendu sur Nintendo 64, c’est finalement sur Gamecube que Eternal Darkness : Sanity’s Requiem verra le jour. Un titre enveloppé de mystère qui avait cristallisé autant d’attentes que d’incrédulité quant à l’expérience qu’il comptait offrir. Le travail des développeurs allait-il se montrer à la hauteur de leurs ambitions ?

UNE TRAME ORIGINALE

Silicon Knights est un studio qui a de l’expérience. Ils sont à l’origine de nombreux titres sortis sur bien des supports et leurs efforts les ont conduit à s’imposer sur la scène des jeux dits matures. Avec Eternal Darkness, ils composèrent un jeu qui n’a pas son pareil et le qualifier d’un genre serait assez délicat. Disons qu’il nous plonge avant tout dans une histoire, celle d’Alexandra Roivas. Tout commence avec la disparition de son grand-père. Mort accidentelle, meurtre ? Il est encore trop tôt pour comprendre et la police est confuse. Notre héroïne va donc mener sa propre enquête pour en avoir le coeur net et cela se fera dans le manoir de famille. Son grand-père aimait beaucoup la littérature, particulièrement les livres anciens, et Alexandra ne tardera pas à se plonger dans quelques lectures bien sombres… L’ensemble du scénario s’articulera autour de ce manoir. Jamais on en sortira, ou presque car Alexandra fera de nombreux voyages durant son enquête, elle traversera les âges et se réincarnera tour à tour en ses ancêtres et autres personnages qui ont dessiné l’histoire de sa lignée. Une intrigue intéressante qui justifiera de mélanger décors et impressions. Tout cela débutera après la découverte du Tome des Ténèbres Eternelles. Ce livre compte douze chapitres mais certains ont été cachés dans le manoir. Le découvrir scellera le destin de l’héroïne qui ne saisit pas encore qu’elle représente soudain le dernier espoir de l’humanité.

PINCEZ-VOUS, VOUS NE RÊVEZ PAS

En lisant le premier chapitre de ce livre, l’Elu, une violente vision s’empare de notre esprit et nous transpose entre le rêve et la réalité. Nous sommes à présent en 26 avant JC. Alexandra a laissé place à Pious Augustus, un centurion à qui l’on demande de retrouver un artefact. C’est ici que Eternal Darkness commencera à se révéler. A la fin de son périple, Augustus trouvera non pas un mais trois artefacts et devra faire un choix. Une fois la mission accomplie, on se retrouve à nouveau dans le manoir. Nous poursuivons nos investigations dans la bâtisse et l’ambiance devient plus glauque. Sitôt le deuxième chapitre en notre possession, nous pourrons à nouveau nous plonger dans la lecture de ce sombre livre et revivre des évènements passés. A ce stade du jeu, on a déjà un avant goût de l’inspiration des développeurs. Paranoïa, hallucinations, ambiance oppressante, le tout est digne d’un bon récit de Lovecraft. Il faut vraiment vivre l’expérience pour la ressentir et les évènements bizarres qui se produisent nous travaillent l’esprit, on reste perplexe. Ceci est à prendre au sens propre, l’aventure est truffée d’idées dérangeantes, parfois une mouche se pose sur notre écran, j’ai dû me lever pour la chasser qu’un sourire s’esquissait sur mon visage. D’autres fois, on a l’impression de tourner en rond, on est pourtant sûr de notre chemin mais le titre se joue de nous. Notre personnage sera par moment incontrôlable, on se verra mort dans une baignoire pleine de sang, alors que l’on court normalement on voit notre tête exploser avant de reprendre la partie cinq minutes plus tôt. La console redémarrera même nous laissant toujours plus dubitatif sur ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.

UNE RÉALISATION AUDACIEUSE

Le scénario et ses principes ont maintenant dévoilé l’ambition de l’aventure et les sensations sont garanties. Impossible de se sentir indifférent et qui plus est on a hâte d’en apprendre toujours plus sur cette histoire. Au total nous revivrons douze époques très éloignées dans le temps avec presque autant de personnages. Pious Augustus (26 avant JC, Perse), Ellia (1150, Angkor, Cambodia), Karim (565, Perse), Dr. Maximillian Roivas (1760, Rhode Island, USA), Dr. Eward Roivas (1952, Rhode Island, USA), un français pendant le Moyen-Age, un moine à Amiens, un policier des années 90… et bien entendu Alexandra. 2000 ans d’histoire qui assurent une bonne diversité et une durée de vie assez honorable pour son genre. Mais que serait cette réalisation sans une bande son adéquate ? A dire vrai, cette dernière est discrète mais efficace. Beaucoup de silences et ce qu’il faut de bruitages quand nécessaire. Cette ambiance nous aide à tenir fermement le pad et se prête à merveille à l’expérience. Il y a également quelques musiques et les différents lieux occasionneront quelques thèmes mais disons plutôt que la bande-son se veut aussi timorée qu’immersive, elle joue avec nos sens et sur l’aspect psychologique. Grincement de porte, bruits de pas, cris horrifiés, sang qui goutte, tout semble réel et on pense même que certains s’échappent de chez nous. La qualité des doublages est aussi à souligner, ils agrémentent les nombreuses cinématiques et dessinent les personnalités des protagonistes.

LES PETITS CAPRICES

Eternal Darkness compte beaucoup de bonnes idées mais malheureusement le titre n’échappe pas à quelques reproches. Tout d’abord, le jeu est assez détaillé mais il souffre des origines de son développement. Il reste que certains lieux comme la cathédrale sont magnifiques mais le jeu aurait gagné à être pensé dès le début sur Gamecube. Le character design des personnages varie aussi entre le bon et le moins bon mais rien de vraiment excellent. Des animations moins raides auraient également été bienvenues tout comme notre palette de mouvement se révèle assez pauvre, on peut tout juste courir. Enfin, les ennemis sont assez répétitifs, on croisera souvent les mêmes durant un chapitre tout comme les boss sont quasiment inexistants. Chacun appréciera selon son opinion et ces défauts ne gâchent en rien l’expérience du jeu. Les angles de caméra sont heureusement bien gérés et n’entravent jamais la progression. L’aventure nous oblige aussi à revisiter certains environnements, toujours de manière différente mais cela peut là encore paraître répétitif. Ce déroulement s’inscrit dans la logique de l’histoire mais par la force des choses le tout devient très linéaire. Enfin, peu d’énigmes proposent une réelle difficulté et mis à part le boss final, le challenge n’est pas très relevé. Je suis sans doute un brin sévère mais c’est ce qui fait la différence entre un bon jeu et un titre exceptionnel. Le titre nous offrira tout de même différentes fins et sa rejouabilité s’en verra d’autant plus intéressante.

VERDICT
Malgré une réalisation qui accusera le poids de ses origines, Eternal Darkness est une belle réussite. Le titre a le mérite de surprendre à tout instant et propose une histoire passionnante. La première fois, son scénario se dévore et c’est avec hâte qu’on découvre tous les chapitres de ce livre. Son expérience unique, son ambiance et ses différentes fins lui ont conféré un succès d’estime tel qu’une suite serait très attendue par de nombreux joueurs. Un titre que je conseille les yeux fermés à tous les amateurs de sensations fortes, ne serait-ce que pour vivre ses hallucinations.

Plateforme : GameCube
Editeur : Nintendo
Développeur : Silicon Knights
Genre : Action
Sortie : 1er novembre 2002

Eternal Darkness : Sanity’s Requiem est une aventure à ne pas mettre entre toutes les mains. Ici, la réalité et la fiction se confondent et vos nerfs seront mis à rude épreuve. Revivez l’histoire de Rebecca, plongez dans la lecture du livre des ténèbres éternelles, incarnez tour à tour ses ancêtres au cours du temps… vous êtes seul à détenir la vérité et le destin du monde est à présent entre vos mains.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *